11 mars 2019
Evacuation des habitants du centre-ville de Nemours inondé en juin 2016
Arnaud Bouissou - TERRA
Le Cerema publie deux P’Tits Essentiels, qui présentent une démarche pour déterminer les vulnérabilités des réseaux de transports dans le contexte du changement climatique, et pour anticiper leur adaptation à des épisodes de crise comme à leur évolution à moyen et long terme.
Trois questions à Marie Colin, responsable de projet résilience et infrastructures au Cerema, qui a piloté la rédaction de ces deux ouvrages.
Couverture d'un des 2 essentielscouverture de l'autre Essentiel
 
Entretien en trois questions
 
... sur les enjeux pour les collectivités avec Marie Colin, responsable de projet résilience et infrastructures au Cerema, qui a piloté la rédaction de ces deux ouvrages:
> Changement Climatique : Les réseaux de transport aussi sont vulnérables
> Infrastructures routières: S'adapter au changement climatique, une nécessité

 

 

 

Le Cerema est spécialiste de la gestion des infrastructures, et a réalisé beaucoup de travaux sur cette question. Pourquoi avoir publié ces deux P’Tits Essentiels, destinés à la fois aux élus et aux techniciens des collectivités ?

Route fissurée en raison de la sécheresse
Route fissurée par la sécheresse - Crédit Cerema

Ces deux publications synthétiques s’adressent effectivement aux élus, parce qu’ils prennent des décisions sur la gestion de leurs réseaux. Or, il existe un vrai besoin de sensibilisation sur l’importance d’anticiper l’avenir des infrastructures de transports, leurs vulnérabilités et les travaux d’entretien ou d’amélioration.

Une rupture d’un réseau de transport peut avoir un impact très fort sur la vie des territoires : anticiper les vulnérabilités liées au climat est crucial pour sécuriser la circulation et donc l’accès aux sites utiles aux territoires. Cela nécessite une approche globale du territoire, en identifiant les différents enjeux, par exemple : les axes essentiels au territoire, les itinéraires de déviation…. Et comme le climat évolue, les vulnérabilités vont évoluer avec : il faut prendre en compte le changement climatique !

Qui dit rupture de réseau, dit souvent dégâts sur les infrastructures : anticiper les crises liées au changement climatique permet aussi de limiter ces dégâts et donc, d’optimiser les dépenses. La démarche proposée dans ces deux P’Tits Essentiels permet aux collectivités de programmer l’entretien nécessaire en anticipant les impacts du changement climatique sur les réseaux de transports, et d’agir plus efficacement lors de crises.

Pour les techniciens, ces publications constituent deux petits guides qui permettent d’avoir à l’esprit les grandes étapes de la démarche, ainsi que les ressources humaines, techniques et financières nécessaires pour la mettre en œuvre.

Cette démarche permet aux élus et techniciens d’améliorer les stratégies de gestion des réseaux de transport, en identifiant leurs enjeux pour la vie des territoires et en priorisant les solutions d’adaptation des infrastructures ainsi que les travaux. Il s’agit d’anticiper les impacts de demain pour limiter les dépenses à moyen terme.

 

Justement, comment fonctionne cette démarche, quelles sont les étapes à réaliser ?

Crue sur une route avec un véhicule qui flotte sur la rivière
Crue sur le tronçon des Boucles de la Seine en janvier 2018 Yvelines - Manuel Bouquet - TERRA

Cette méthode vise à mieux gérer les réseaux de transport à court, moyen et long terme, par rapport aux aléas extrêmes et au climat du quotidien, en anticipant les changements qui auront lieu sur le territoire. Elle fonctionne comme une analyse de risque classique, enrichie d’un aspect prospectif, dans un contexte de changement climatique. Elle porte sur l’adaptation face à des épisodes de crise et face à des phénomènes de long terme comme l’augmentation des canicules, avec une double approche sur les enjeux des infrastructures et des réseaux dans leur globalité. La démarche comporte plusieurs étapes.

La première étape consiste à fixer les objectifs pour le réseau et le territoire : s’agit-il en priorité de limiter les impacts des dégradations sur le territoire ? L’objectif est-il d’aller vers une meilleure gestion sur le plan économique, en optimisant le réseau ? Sur quel type de réseau souhaite-on agir ? 

La seconde étape repose sur l’identification des vulnérabilités des infrastructures des réseaux à l’aide de différentes données sur la connaissance de la localisation des infrastructures et leurs caractéristiques : matériaux, opérations d’entretien réalisées, état actuel des réseaux, etc. Il est aussi important de comprendre le rôle du réseau pour le territoire : quels sites doivent être desservis en premier lieu lors d’une crise ? Quels réseaux ont une utilité touristique, économique ? Pour cela, d’autres données sont pertinentes : le niveau de trafic ou des données liées à l’économie du territoire par exemple ; elles permettent de comprendre les vulnérabilités liées aux services rendus par les réseaux aux territoires.

Le Cerema développe des indicateurs de vulnérabilité qui permettent d’interpréter ces données et peut aussi conseiller les collectivités sur celles à prendre en compte.

Chute de blocs sur une route du sud de la France
Chute de blocs sur une route du sud de la France - Credit CC BY SA - Albert Herring

Pour déterminer ces vulnérabilités, il faut aussi connaître les aléas climatiques et leur évolution probable dans les années à venir. Le Cerema peut aussi appuyer les collectivités pour trouver et analyser les données adéquates, par exemple des données de projections climatiques.

Une fois les paramètres des vulnérabilités obtenus, la collectivité peut mettre en place une stratégie pour renforcer les infrastructures. Cela peut recouvrir différents objectifs : construire des infrastructures adaptées au climat de demain, construire des voies de secours en cas de crise, adapter l’entretien, la construction et l’exploitation des infrastructures, mieux planifier la reconstruction post-catastrophe d’une infrastructure. Ces solutions doivent être priorisées et chiffrées avec une approche coût-bénéfice, de manière à hiérarchiser les interventions.

Enfin, il faut mobiliser des financements et mettre en œuvre les solutions d’adaptation, communiquer auprès du public sur la stratégie d’adaptation lors des chantiers, et évaluer les impacts de la mise en œuvre de cette stratégie sur les réseaux, pour l’adapter si besoin.

Connaître les vulnérabilités du territoire du point de vue des infrastructures permet de se projeter dans le futur. Cette méthode permet d’obtenir le niveau de risque actuel et le niveau de risque dans les années à venir, de trouver des solutions pour les diminuer et donc, de limiter les dépenses !

 

Le Cerema mène-t-il d’autres travaux autour de cette problématique de l’adaptation des réseaux de transports au changement climatique ?

Logo BiennaleLe Cerema a déjà publié une méthode pour analyser les vulnérabilités des réseaux de transports, et un rapport sur l’adaptation des documents techniques de conception et de gestion des réseaux de transports au changement climatique.

La méthode qui est développée dans ces deux P’Tits Essentiels sera présentée à la Biennale des Territoires, le mardi 19 mars 2019 lors de la session consacrée aux vulnérabilités des réseaux de transports et aux stratégies d’adaptation dans le contexte du changement climatique, et dans le cadre d’un atelier consacré à cette méthode d’évaluation des vulnérabilités des réseaux.

Des projets sont également en cours dans ce domaine : le Cerema a réalisé une analyse de vulnérabilité sur le réseau routier de la Direction Interdépartementale des Routes de Méditerranée. D’autres analyses sont en cours ou terminées, sur les vulnérabilités par rapport au changement climatique de deux grands ponts, sur le réseau urbain dense d’une grande métropole, sur un port, ou encore sur la vulnérabilité des infrastructures (ouvrages d’art et routes) d’un réseau routier national concédé.