25 novembre 2019
Ouvrage des années 70 totalement inadapté au passage de la faune qui nécessite une réhabilitation
Le 15 octobre 2019, le Cerema a organisé à Lille une conférence sur le thème «Ouvrages d'art et biodiversité» qui a rassemblé une soixantaine d’acteurs issus de collectivités, d’établissements publics (SNCF, VNF, GPMD), de bureaux d’études et de services de l’État avec notamment des représentants de la maîtrise d’ouvrage, des gestionnaires d’ouvrages d’art et des acteurs de l’aménagement.

Le programme comportait trois parties : le rappel des enjeux de la biodiversité et les obligations réglementaires pour la préserver, les derniers développements méthodologiques dans le domaine, des partages d'expériences et de méthodes pour une meilleure prise en compte de la biodiversité dans la conception et la gestion des ouvrages d’art.


Rappel des enjeux de la biodiversité et les obligations réglementaires pour la préserver

La présentation faite par l’Observatoire Régional de la Biodiversité (ORB) des Hauts-de-France a permis de dresser un état des lieux synthétique de la nature dans les Hauts-de-France dans lequel on peut retenir les points suivants :

Une biodiversité riche, mais sur des territoires très morcelés par les activités humaines :

Les Hauts-de-France présentent plus de milieux artificialisés et moins d’espaces naturels que la moyenne française : environ 20 % du territoire sont occupés par les forêts et les milieux naturels, contre une moyenne d’un tiers pour la France métropolitaine. En particulier, le littoral présente une forte urbanisation malgré la présence d’un espace remarquable de dunes maritimes, falaises, plages…

La destruction et la fragmentation des milieux naturels, sont les principales causes de disparition de la biodiversité. En particulier, les infrastructures linéaires et de transport participent à la rupture des continuités écologiques.

  • Un patrimoine avec des joyaux de nature, et des espèces menacées par nos usages :

Les Hauts-de-France abritent une grande diversité d’espèces liée à la diversité des habitats naturels présents dans la région, et quelques espèces rarissimes comme le Liparis de Loesel (orchidée sauvage).

orchidee

La biodiversité est menacée par une forte artificialisation des sols, associées à diverses pollutions (produits phytosanitaires), qui dégrade significativement la qualité des eaux dans la région, et entraîne la disparition de bon nombre d’espèces animales et végétales.

En outre, les cours d’eau comportent de nombreux aménagements constituant des obstacles à l’écoulement (seuils, barrages, ponts, buses…) qui contrarient le fonctionnement des écosystèmes et entravent la continuité écologique.

Les dernières tendances alarmantes au niveau européen sur la chute des populations d’insectes et au niveau national sur celle des populations d’oiseaux des champs se vérifie également dans la région des Hauts-de-France.


Actualités réglementaires de la biodiversité

La DREAL Hauts-de-France présente la loi reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages du 8 août 2016 qui offre une vision dynamique et renouvelée de la biodiversité à travers quelques grands principes parmi lesquels :

  • Le principe de non régression au droit de l’environnement
  • La solidarité écologique
    • La séquence éviter, réduire, compenser (ERc)
    • L’absence de perte nette de biodiversité

    • La réparation du préjudice écologique

La solidarité est un concept reposant sur la prise de conscience de l’interdépendance des êtres vivants entre eux et avec leurs milieux.

En particulier, afin d’accomplir leur cycle de vie dans des conditions favorables, les espèces animales et végétales ont besoin de vivre et de se déplacer dans des milieux naturels en bon état et connectés entre eux. C’est l’objet de la Trame verte et bleue de favoriser ces continuités écologiques.

continuités écologiques

 

Les étapes clés dans la conception d’un projet sont :

  • Un état initial suffisant et satisfaisant : espèces, habitats d’espèces et continuités écologiques (importance de définir une aire d’étude pertinente),

  • Une analyse des impacts,

  • La définition de mesures avec des garanties de mise en œuvre, d’efficacité et de pérennité.

L’évitement des impacts sur la biodiversité est une priorité. Si celui-ci n’est pas possible, il existe trois possibilités pour la mise en œuvre de compensations pour la réparation du préjudice écologique : directement, via un opérateur de compensation, par l’acquisition d’unités de compensation sur un site naturel de compensation (outil ORE).

Il est rappelé l’importance de l’inventaire du patrimoine naturel et le versement obligatoire des données acquises à l’occasion des études d’évaluation environnementale préalables ou lors du suivi des impacts : nouvel outil au service de la biodiversité DEPOBIO.

Enfin, le plan Biodiversité dévoilé la 4 juillet 2018 vise à mettre en œuvre l’objectif de réduire à zéro la perte nette de biodiversité et à accélérer la mise en œuvre de la stratégie nationale pour la biodiversité qui court jusqu’en 2020. Elle vise notamment à réduire les pollutions lumineuses (Axe A2) et à créer de nouvelles aires protégées et conforter le réseau écologique dans les territoires (Axe A3).

Derniers développements méthodologiques dans le domaine

Démarches de diagnostic des continuités écologiques et des ouvrages

Le Cerema a répondu à deux appels à initiatives pour la biodiversité qui ont été présentés à l’Agence de l’Eau Artois-Picardie :

  • Critères éco-éthologiques à prendre en compte pour la restauration des continuités écologiques au droit des ouvrages de franchissement d’infrastructures de transport

  • Restauration de la continuité écologique du passage inférieur de la drève de Bassy en forêt domaniale de Raismes-Saint-Amand-Wallers

Les critères éco-éthologiques sont les facteurs qui incitent les animaux à franchir les infrastructures, et les critères de sélection de leur habitat. Par rapport au franchissement des routes, voies de chemins de fer, ponts…, plusieurs facteurs influençant les espèces ont été identifiés : largeur de la voie de circulation, revêtement du sol, importance du trafic, bruit, lumière, odeurs, présence de barrières (grillages, glissières en béton), discontinuité entre milieux naturels et artificiels….

Le Cerema a produit une clé dichotomique basée sur l’évaluation des différents facteurs caractérisant l’infrastructure de transport et son environnement, qui permet d’apprécier les facilités de continuité écologique et de proposer des solutions pour favoriser celle-ci. Beaucoup de données peuvent être identifiées au bureau (Google Maps, carte des composantes de la Trame Verte et Bleue, base de données faune Sirf…), et d’autres doivent être appréciées sur le terrain.

Cette approche a été appliquée pour le projet de continuité écologique en forêt de Raismes, pour l'aménagement d'un passage inférieur destiné aux animaux. Ce passage se trouve sous une autoroute qui coupe la forêt en deux. Des préconisations d'aménagement ont été réalisées, en fonction des espèces présentes et de la structure du passage.

raismes


Une étude partenariale a été réalisée avec les acteurs concernés par le projet. Il est apparu grâce à un « piège photographique » que le passage était surtout utilisé par les humains, mais qu'une variété d'animaux y circulait également, notamment des amphibiens très nombreux dans ce secteur et huit espèces de chauves-souris.

Des inventaires ont été effectués pour identifier les différentes espèces présentes sur le site, par enregistrement d'ultra-sons et observations par caméras thermiques, puis des solutions pour restaurer au mieux la continuité écologique et guider les animaux vers le passage ont été envisagées.

Refonte des guides techniques sur la petite et grande faune

Le Cerema prépare la refonte des guides techniques sur la petite et grande faune (parution prévue en 2020) pour répondre aux objectifs suivants :

  • Mettre à jour les textes internationaux, européens et nationaux
  • Réaliser une synthèse actualisée des anciennes dispositions
  • Répondre aux enjeux plus globaux de la Trames verte et bleue notamment en terme de définition et dimensionnement des ouvrages
  • Apporter des éléments sur le coût des dispositifs (retour d’expérience)
  • Disposer d’éléments récents sur l’évaluation de l’efficacité des mesures
  • Aborder la requalification des Infrastructures de Transports Terrestres anciennes

Les rédacteurs du guide ont la volonté d’apporter une réponse à une grande diversité de questions que se posent les opérateurs d’infrastructures, services instructeurs…

biodiversité

 

Le guide comportera trois chapitres :

  • Chapitre 1 – Continuités écologiques et infrastructures de transport terrestre

  • Chapitre 2 – Les passages faune, une mesure de réduction efficace pour rétablir les connectivités transversales

  • Chapitre 3 – Les dépendances vertes, support des continuités longitudinales


Partages d'expériences et de méthodes pour une meilleure prise en compte de la biodiversité

Les ouvrages d’art au service de la biodiversité – Exemples d’aménagements

Cette présentation rappelle la nécessité de prendre en compte la biodiversité :

Au stade de la définition du programme d’une opération de construction ou de réparation d’ouvrages d’art, en réalisant notamment un diagnostic préalable permettant de cerner les enjeux écologiques

A toutes les phases de l’opération : études de projet (établissement d’une Notice de Respect de l’Environnement) et des travaux (démarche SOPRE, mesures provisoires).

  • A l’issue des travaux (efficacité des mesures environnementales)

Elle présente la typologie des ouvrages d’art dont la diversité des structures permet de s’adapter au rétablissement des continuités écologiques : passages supérieurs ou passages inférieurs.

passage

Enfin, elle présente des cas de réparation d’ouvrages d’art où celle-ci a été conçue pour maintenir ou améliorer une fonction écologique, voire aménager l’ouvrage pour développer cette fonction.

Autoroute A1 – Ecopont d’Ermenonville

La Société des Autoroutes du Nord et de l’Est de la France (Sanef) a inscrit la réalisation d’un écopont sur l’autoroute A1 au niveau de la forêt d’Ermenonville dans le projet de Plan d’Investissement Autoroutier.

La Sanef présente le contexte environnemental, et les différentes études déjà réalisées et en cours :

  • Etude de faisabilité environnementale
  • Etude des milieux naturels – inventaires faune-flore
  • Définition du programme de l’opération – définition des caractéristiques de l’ouvrage
  • Désignation d’un maître d’œuvre - études de faisabilité technique
  • Mise en service opérationnelle de l’écopont prévue fin 2022.


Département du Pas-de-Calais – Diagnostic écologique des ouvrages d’art

Le Département du Pas-de-Calais (CD62) présente la démarche de diagnostic écologique engagé sur son patrimoine d’ouvrages d’art, lancée dans le cadre de l’Agenda 21.

Le CD62 décrit le diagnostic écologique réalisé sur les ouvrages d’art du territoire de l’Arrageois qui résulte d’une présélection cartographique permettant de définir un niveau d’enjeu à partir de 4 critères : intersection de la route avec un cours d’eau, périmètres réglementaires, Trame verte et bleue, habitats patrimoniaux.

cd62

Pour les 76 ouvrages sélectionnés, le CD62 détaille les paramètres pris en compte pour l’évaluation environnementale et les propositions d’aménagements qui en résultent pour les différents groupes faunistiques considérés.

Cette démarche ouvre des perspectives :

  • Intégration des données « écologie » dans la nouvelle base de données Ouvrages d’Art

  • Réalisation de certaines mesures au fur et à mesure des interventions et des opérations de restauration des ouvrages

  • Ecriture d’une synthèse des bonnes pratiques en terme d’écologie

 

RN31 Déviation de Beauvais – Evaluation de l’efficacité d’ouvrages faune après mise en service, puis réalisation de travaux d’amélioration

La DREAL Hauts-de-France a assuré la maîtrise d’ouvrage de construction de la déviation de Beauvais (RN31) mise en service en 2008. Celle-ci s’est accompagnée de mesures pour la préservation de la faune et des milieux naturels traversés, dont la réalisation de 32 passages spécifiques pour batraciens, appelés « batrachoducs ».

batrachoducs

L’évaluation environnementale de ces ouvrages, faite par le Cerema, a montré des dysfonctionnements de ces ouvrages : diamètre des ouvrages insuffisant, système de guidage des amphibiens non pérenne. Cette étude, combinée à une étude des populations d’amphibiens par SAGE Environnement, a conduit à la réalisation de nouveaux aménagements dans l’objectif d’améliorer le fonctionnement de ces ouvrages.

La DREAL décrit les travaux de ces aménagements, et les conclusions de la nouvelle évaluation environnementale réalisée a posteriori.

Passage agricole sous RN42 – Diagnostic de fonctionnalité écologique

La DIR Nord a retenu dans sa programmation la réparation d’une buse métallique sous la RN42 ayant une fonction de passage agricole. Au regard des enjeux écologiques (passage de faune dans l’ouvrage), la DIR a confié au Cerema la réalisation d’un diagnostic écologique pour l’intégrer dans la définition du programme de réparation de l’ouvrage.

L’analyse préalable cartographique a conduit le Cerema à intégrer dans le diagnostic écologique une seconde buse située à proximité de l’ouvrage à réparer.

Le Cerema décrit la méthodologie de diagnostic mise en œuvre sur les deux ouvrages, qui conclut à un intérêt potentiellement important de ces deux ouvrages pour la continuité écologique et à la nécessité de les conserver.