6 avril 2022
Chateaubourg
Vue du bourg de Châteaubourg dans la vallée du Rhône avec au premier plan le château sur son éperon rocheux
Le Cerema a apporté son expertise au bénéfice des services de l’État puis de la commune durant une dizaine d'années pour la sécurisation d'une falaise surplombant le village de Châteaubourg en Ardèche, afin de suivre l'évolution de blocs rocheux potentiellement instables. Les travaux de sécurisation, avec la pose d'environ 1400 m² de grillage plaqué-ancré et un confortement par boulons passifs de deux compartiments rocheux volumineux, se sont achevés début 2022.

Contexte et enjeux

Panneau "Risque d'éboulements" au pied de la falaise
Cerema

Une partie du centre du village de Châteaubourg dans la vallée du Rhône a été construite au pied d’un éperon rocheux haut d’une vingtaine de mètres au maximum sur lequel a été édifié un château dès le XIe siècle. Le soubassement du château est constitué par une brèche calcaire rattachée à l'Oligocène (roche relativement récente âgée d’environ 25 millions d’année), pointant à travers la plaine alluviale. Cette brèche est constituée d'éléments calcaires relativement anguleux liés par une pâte calcaire fine et peu abondante.

La roche est également parcourue par plusieurs fractures ouvertes et est localement très altérée. La falaise produit ainsi régulièrement des chutes de pierres et de petits blocs.

Le Cerema Centre-Est qui était alors le CETE de Lyon est intervenu une première fois en septembre 2011 pour donner un avis technique sur une demande de permis de construire concernant un projet de construction en pied de falaise pour le compte de la Direction Départementale des Territoires de l’Ardèche. La demande avait alors reçu un avis défavorable en raison de la présence en contre-haut d’une écaille rocheuse d’un volume de 50 m³, dont l’aléa d’éboulement avait été évalué à dire d’expert comme "moyen" à "moyen terme".

Après plusieurs expertises contradictoires associant les différentes parties prenantes (Commune, propriétaires particuliers, services de l’État assistés par le Cerema), dont une judiciaire, les discussions ont abouti en 2017 à l’adoption d’une stratégie de réduction des risques rocheux en pied de falaise en plusieurs phases, chaque phase étant réalisée sous maîtrise d’ouvrage de la commune avec l’assistance technique du Cerema.

 

Les premiers travaux

Purges manuelles (protection d’une maison en pied de falaise avec écran provisoire)
Purges manuelles (protection d’une maison en pied de falaise avec écran provisoire)

Les premiers travaux ont consisté en la réalisation de deux campagnes de purges des blocs instables par l’entreprise spécialisée Hydrokarst :

  • la première a concerné en décembre 2018 le débroussaillage et des purges systématiques des petits éléments facilement mobilisables à la main : environ 12 m³ (plus de sept big-bags) de déchets végétaux, de pierres et de petits blocs ont été purgés pour une superficie de fronts rocheux estimée à environ 1500 m².
  • la seconde a concerné en janvier 2020 des purges spécifiques et contrôlées par déroctage de certains compartiments rocheux de stabilité douteuse préalablement identifiés : environ 9,5 m³ ont été purgés au niveau de huit compartiments rocheux.

 

La mise sous observation de l’écaille de 50 m³

scanner
Réalisation d’un relevé par scanner laser terrestre

En parallèle, à partir du début de l’année 2020, il a été décidé la mise sous observation de l’écaille de 50 m³ pendant une période de 2 ans afin de :

  • détecter d’éventuels mouvements,
  • fiabiliser le diagnostic de l’aléa d’éboulement évalué à dire d’expert
  • définir la solution de traitement la plus appropriée.

Compte tenu des contraintes d’accès et de la configuration géométrique du site, le Cerema a proposé et assuré cette mise sous observation par la réalisation de relevés réguliers depuis le pied de la falaise au moyen d’un scanner laser de type Trimble SX10. Les objectifs de ces relevés sont la mise en évidence d’éventuels mouvements d’amplitude millimétrique, par exemple liés aux variations thermiques, et la détection de l’ouverture de fractures et de départs de pierres, qui pourraient traduire une dégradation progressive du parement de l’écaille et constituer des signes précurseurs d’un éventuel éboulement.

Chaque relevé fournit un nuage de points 3D dense et précis (erreur maximale sur la position égale à 2 mm). Les données font ensuite l’objet d’un traitement numérique spécifique (recalage précis entre les nuages acquis à différentes dates, calcul de distances entre les nuages qui sont constitués de plusieurs millions de points et filtrage). Chaque étape a fait l’objet de tests de validation aussi bien sur le site du versant instable des Ruines de Séchilienne (suivi par le Cerema Centre-Est depuis 1985) que sur le site même de Châteaubourg.

Même si aucune évolution significative n’a été mise en évidence pendant la période de mise sous observation, l’ensemble des parties prenantes a décidé la mise en œuvre de la dernière phase de travaux définitifs. Le séisme du Teil du 11 novembre 2019 (épicentre à 50 km au sud) n’avait également pas eu d’incidence significative.

relevé
Exemple de résultats de mesures au niveau de l’écaille mise sous observation.

Les travaux définitifs

Les travaux définitifs consistent en la mise en œuvre d’environ 1400 m² de grillage plaqué-ancré associé au confortement par boulons passifs de gros diamètre de deux compartiments rocheux volumineux et potentiellement instables. Le chantier a été précédé d’une longue période de préparation en 2021 avec l’assistance de la Communauté de Communes Rhône Crussol (à laquelle appartient Châteaubourg) pour la partie administrative et du Cerema pour la partie technique.

travaux
Écaille boulonnée et recouverte de grillage

Le chantier a été réalisé sur une période de 6 semaines entre fin janvier 2022 et début mars 2022 par l’entreprise spécialisé Ouest Acro, avec plusieurs points d’attention :

  • La protection des enjeux existants en pied de falaise (utilisation de matelas et de plaques en bois),

  • L’intégration paysage des ouvrages de protection : choix de la couleur de la peinture anticorrosion, de la forme des plaques d’appui des boulons (disques), du diamètre et de l’aspect patiné de la galvanisation des fils du grillage,

  • La maîtrise des vibrations générées par les outils de forage et de leur incidence éventuelle sur les fondations du Château : réalisation d’une planche d’essais vibratoires et de certains forages sensibles par une méthode de carottage, choix d’un scellement des boulons courts à la résine permettant des diamètres de forage plus petits, suivi en continu des vibrations générées pendant toute la durée du chantier au moyen de quatre géophones par le bureau d’études Géolithe,

  • La maîtrise du risque d’éboulement de l’écaille de 50 m³ par la mise en place d’un système de surveillance provisoire associé à une sirène et un gyrophare par le bureau d’études Myotis. Ce système a été en service pendant toutes la durée des forages permettant le boulonnage de l’écaille.

Les matériaux et fournitures sur le chantier ont été sélectionnés pour offrir aux ouvrages de protection métalliques une durée de vie de plusieurs dizaines d’années sans travaux de maintenance conséquents. La Commune en tant que maître d’ouvrage établira une stratégie de gestion et de maintenance qui sera basée sur des inspections périodiques régulières tous les 5 à 6 ans. Grâce à ses compétences techniques, le Cerema peut également assurer ces prestations au bénéfice des collectivités territoriales.