10 novembre 2022
Falaises crayeuses surplombant la ville
Cerema
Le Cerema a réalisé pour la commune de Tancarville en Normandie une étude sur le risque d'éboulements de la falaise surplombant la ville, un diagnostic de stabilité d'un front de 500 mètres de falaise et a effectué un pré-dimensionnement des parades ainsi qu'une évaluation de leur coût.

L’ensemble du linéaire de falaises crayeuses de la vallée de la Seine présente des problématiques d’éboulements rocheux récurrents. Face à ces problématiques atypiques et complexes, les collectivités et les institutions font appel depuis de nombreuses années à l’équipe des "Risques Naturels"  du Cerema de Rouen (Département Géosciences et Infrastructures) pour les aider, à travers leur expertise et leur accompagnement, à l’identification des aléas potentiels mais surtout à la définition des solutions envisageables et au suivi de leur mise en oeuvre par les entreprises spécialisées.

Localisée en bordure de Seine, rive droite, à 30 km à l'Est du Havre et à 65 km à l'Ouest de Rouen, la commune de Tancarville est concernée, sur son territoire, par un linéaire global de plusieurs centaines de mètres de hautes falaises crayeuses (70 m de hauteur au plus haut). Caractéristiques et remarquables, elles surplombent et menacent de nombreux enjeux. C’est dans ce contexte, et en s’appuyant sur l’entière satisfaction de plusieurs interventions antérieurement réalisées par le DGI sur une autre portion de leurs falaises (études et suivis des travaux en 2018/2019), que la mairie a, une nouvelle fois, souhaité s’adjoindre les services du DGI pour évaluer l’aléa "éboulement rocheux" et réaliser un diagnostic de stabilité de 500 mètres de falaise.

En complément de ce diagnostic, un pré-dimensionnement des parades de sécurisation et une estimation du coût de leur mise en oeuvre ont été présentés. Cette étude correspond à une étude géotechnique de conception phase avant-projet (G2-AVP).


1 - Problématique

Sub-verticales, les falaises de craie de Tancarville sont sujettes à l’érosion (alternance gel/dégel, lessivage, systèmes de fracturations, géologie, …). Ces dernières génèrent des départs de pierres et de blocs susceptibles d’impacter les enjeux situés en pied de falaise (bâtis, …).. En crête, ces départs sont accentués par la présence d’arbres (système racinaire, effet de "bras de levier", …).

Localisation de la zone étudiée

 

2. Qualification des aléas

De par un linéaire important et des accès difficiles, la qualification des aléas des compartiments rocheux jugés potentiellement instables et leur description (dimensions, volumes unitaires et globaux, discontinuités, …), se sont opérées via une phase "terrain" conséquente. Elle s’est concrétisée par plusieurs visites en pied de falaises mais également par 8 descentes sur cordes (nécessitant 3 cordistes habilités sur site). Par ailleurs, pour avoir une vue d’ensemble, mais également générer une modélisation 3D d’une partie du site, un vol drone avec acquisitions photographiques a été réalisé par un télépilote du Cerema.

Face à l’ampleur et à la complexité du site, seuls les compartiments majeurs présentant des volumes importants et/ou présentant des propagations maximales impactant directement les enjeux ont été diagnostiqués. Cette phase a permis d’identifier 32 compartiments, dont certains atteignent plus de 500 m³.

Travail des cordistes du Cerema:
Cordiste du cerema sur une falaiseCordiste du cerema sur une falaise

Quelques exemples de compartiments rocheux identifiés et qualifiés:
Vue des compartiments

 

3. Etude trajectographique

Suite à l’identification et à la qualification des compartiments majeurs présentant des volumes conséquents, à l’analyse des solutions de mise en sécurité possibles (avantages/ inconvénients) et de leur mise en oeuvre, il en est ressorti que certains d’entre eux (volumes majeurs, fracturés, proximité immédiate d’enjeux, …) pouvaient, éventuellement, être sécurisés par une parade passive [1] (merlon).

Pour pouvoir dimensionner et positionner cette parade en aval du pied de falaise, il était essentiel de connaître l’énergie générée par de tels départs et leur hauteur de rebond.

C’est pourquoi, pour certains compartiments, une étude trajectographique a été réalisée via le logiciel PROPAG. Les 2 profils (2D) identifiés comme étant les plus représentatifs des trajectoires probables ont été extraits de la modélisation (3D) d’une partie du site (photogrammétrie avec acquisition photographique par drone par le logiciel AGISOFT METASHAPE) : 39 trajectoires ont été générées pour ces 2 profils, simulant des départs issus de 3 zones de hauteurs différentes.

Suivant les hypothèses (en considérant que tout ou partie des compartiments se mobilise), les résultats issus de PROPAG concluent à des énergies maximales d’impact d’environ 150 000 KJ avec un positionnement du parement amont du merlon situé entre 25 et 40 m de la falaise.

graphique de la trajectographie et schéma de la falaise

4 - Solutions envisagées et estimation financière

Concernant l’essentiel des compartiments qualifiés, une proposition de parade active [2] a pu être proposée (ancrages, filets plaqués, …). Concernant les compartiments identifiés et concernés par l’étude trajectographique, plusieurs options ont été présentées à la Mairie s’appuyant sur un merlon seul, un merlon couplé à des ancrages, ou des ancrages seuls.

Quelle que soit l’option de mise en sécurité choisie parmi les 4 présentées par le Cerema, l’estimation financière est d’environ 1,1 million d’euros.
Suite au rapport, la Mairie a souhaité organiser une réunion publique de 2h pour que le Cerema puisse présenter son rapport et répondre aux nombreuses questions des personnes présentes (propriétaires concernés, DDTM76, Agglomération, …). 

Ce rendez-vous a été l'occasion de répondre à différentes questions d'ordre technique et organisationnel (possibilité de phasage des travaux futurs, …).

 


[1] Le compartiment potentiellement instable ne sera pas maintenu, mais son éboulement pourra être canalisé, retenu ou guidé (écrans, grillages pendus, ...). Il s'agit alors de parades passives qui tentent de maîtriser le phénomène une fois qu’il est déclenché.

[2] Le compartiment potentiellement instable pourra être éliminé (purge, …) ou maintenu sur place pour empêcher son départ (ancrages, ...). Il s'agit alors de parades actives qui s’opposent à la manifestation du phénomène.